BIBLIOTHÉRAPIE : RENCONTRE AVEC SOPHIE PETERS

Sophie Peters a le goût du mot juste et des analyses nuancées. Quand j’ai découvert son livre « Du plaisir d’être soi. Petit traité de navigation intérieure » (J’ai Lu, 2018), j’y ai ressenti la même force mêlée de douceur, une énergie semblable à celle éprouvée pendant la lecture de « Éloge du risque » de la psychanalyste et philosophe, Anne Dufourmantelle. Ici, point de conseils formatés ni d’injonctions démagogique mais une invitation à regarder l’infinie variation de (notre) ciel intérieur (…), à accueillir avec une conscience aigüe ce qui échappe et reste caché, en éprouvant la joie de (nous) sentir vivant ».

Sophie Peters, Europe 1

Enfant, Sophie Peters naviguait en mer Égée sur les traces d’Ulysse. Sur le bateau qui les menait tous les étés vers la Grèce, sa mère l’exhortait chaque jour à lire des extraits de l’Odyssée à voix haute. De ce rituel littéraire familial, Sophie Peters a conservé l’amour des livres et des grands auteurs. Aujourd’hui, elle n’hésite pas à les convoquer sur La libre Antenne qu’elle anime toutes les semaines sur Europe 1. Dans un paysage radiophonique souvent lisse, cette psychanalyste et coach y fait résonner sa voix bienveillante, à l’écoute d’auditeurs en quête de réponses sur leur vie.

ENTRETIEN AVEC UNE « VOIX » SINGULIÈRE, L’AMOUR DES LIVRES CHEVILLÉE AU CŒUR.

Le titre de votre livre est du « Plaisir d’être soi ». Pourquoi avoir choisi d’écrire sur ce thème ?

Je viens d’un pays où je n’avais aucun plaisir à être moi-même. Je pensais qu’il fallait lutter, batailler pour s’accomplir. Avec les années, j’ai découvert que l’on pouvait ressentir de la joie à cheminer vers soi, vers sa liberté et j’ai eu envie de le partager avec le plus grand nombre.

« Je viens d’un pays où je n’avais aucun plaisir à être moi-même. »


Dans votre livre, on ne trouve aucune injonction ni « méthode » qu’’il faudrait mettre en pratique. Dans quel état d’esprit l’avez-vous écrit ?

Ce livre est un voyage, l’aboutissement de mon propre cheminement. Je l’ai écrit comme on traverse un chemin. Je ne suis pas une « sachante » ! Il n’était pas pour moi question de donner de leçon de morale ni de livrer de méthode clé en main.

Concrètement, que signifie pour vous cheminer vers soi ?

Il s’agit de sortir de sa prison intérieure, de rencontrer sa propre vulnérabilité. Chacun peut se poser la question suivante : « Qu’est-ce que je veux vraiment pour ma vie ? Pour cela, il faut dépasser ses croyances, surmonter les obstacles.

Que peut-on mettre en oeuvre pour y parvenir ?

Ce chemin d’évolution est difficile, exigeant. Dans une société qui nous exhorte à la performance et au bien-être permanent, on a tendance à oublier que la souffrance est inhérente à la vie. La maladie, le deuil, les épreuves sont aussi des opportunités qui nous sont offertes pour évoluer. On a continuellement à apprendre de nos erreurs et de nos difficultés.

« Conquérir sa liberté »


Comme vous le soulignez justement, cette « navigation intérieure » peut être sujette à la houle et même aux tempêtes. Ce voyage – vous l’évoquez longuement dans votre essai – s’accompagne de sentiment de culpabilité et parfois même de trahison vis-à-vis des autres.

Trahir, c’est traverser ! Quand on chemine, on évolue, on change, on s’affranchit de ses croyances, de sa famille et on peut effet ressentir ce sentiment de trahison. C’est difficile comme gravir le sommet montagne. Cela demande du courage et de la détermination. Un passage nécessaire si l’on veut cheminer vers soi et conquérir sa liberté.

Devenir soi, plus encore, prendre du plaisir à être soi est souvent interprété comme une forme de narcissisme et d’égoïsme. Qu’en pensez-vous ?

Il y a un malentendu, cela n’a rien à voir avec de l’égoïsme, ni aucune forme d’égotisme. Il faut avoir le souci de soi au sens où l’entendait le philosophe Michel Foucault : s’autoriser à « devenir libre de soi ». On ne peut comprendre autrui si on ne se considère pas soi-même. Les deux sont intimement liés.

C’est le fameux « et » que vous citez souvent sur l’antenne d’Europe 1 lors de vos échanges avec les auditeurs ?

J’affectionne en effet particulièrement cette petite conjonction de coordination qui permet de relier ce qui de prime abord on voudrait opposer !

Votre livre est disponible en poche depuis quelques mois. Quels retours avez-vous eu de vos lecteurs ?

J’ai reçu beaucoup de témoignages de lecteurs, et notamment d’auditeurs de la Libre Antenne qui me disent que ce livre les a aidés. J’ai le sentiment qu’il remplit les mêmes fonctions que Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke que j’ai relu plusieurs fois. C’est un compagnon de route qui nous accompagne sur notre chemin intérieur.

Montaigne a été mon premier coach !


Sur l’antenne d’Europe 1, vous semblez chérir les livres et citez abondamment les auteurs. Quel rapport entretenez-vous avec la littérature ?

Les livres m’ont toujours accompagnée. Ils m’emmènent là je ne serai jamais allée. Parallèlement au travail d’analyse, des auteurs comme Montaigne ont été mes premiers coachs et m’ont inculqué le courage et la discipline.

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