BIBLIOTHÉRAPIE : LES PUTAINS MEUTRIÈRES

Poète et romancier chilien, Roberto est l’un des écrivains dont l’oeuvre est reconnue dans le monde entier. Des putains meurtrières (Christian Bourgeois Editeur, 2003) est un recueil de treize nouvelles qui nous introduisent dans des parties de l’univers de l’auteur que ses précédentes œuvres n’avaient que peu explorées.

« Il faut que tu lises Roberto Bolaño. Ca va te plaire ». Ce conseil prodigué par une amie il y a presque une décennie s’est quelque part niché dans mon hémisphère droit sans que mon hémisphère gauche ne se décide à passer le pas (à moins que ce se soit l’inverse…).

Ce n’est qu’en lisant le merveilleux « Patagonie intérieure » (Grasset, 2013), de Lorette Nobécourt, que ce conseil m’est revenu en mémoire.

«  C’est à cause de lui (Bolaño) que je suis venue au Chili, grâce à lui que j’écris le roman que je suis en train d’écrire », dit l’écrivaine.

Après la lecture de ce voyage en terre de feu, je me rends donc dans ma librairie préférée acquérir trois livres de ce grand écrivain chilien dont je ne connais rien.

Parmi eux, Des putains meurtrières, petit opus de 13 nouvelles que j’ai avalées goulument sans retenue, telle une ogresse affamée. Publiées en 2001, elles donnent le ton de l’œuvre immense de Roberto Bolaño. Ici point de conseils ni d’invitation à changer de point de vue mais une musique qui, du cœur au cerveau, du ventre au cœur, vous traverse entièrement.

Il est des livres qui nous soignent car ils résonnent en nous. Pas forcément par le message qu’ils délivrent ou les propos qu’ils tiennent mais par le rythme et l’énergie qu’ils dégagent.

Des putains meurtrières en fait partie.

Dans ces courts récits, il est question du régime militaire chilien, des errances de ses réfugiés en quête de sens. Prétexte pour parler du désespoir, de la folie du monde, de sa laideur mais de sa beauté aussi.

Ces variations sur l’absurdité des hommes n’ont bizarrement rien de déprimant. Bien au contraire. La petite musique de Bolaño nous tord le cœur autant qu’elle l’embrase.

Roberto Bolaño, c’est un écrivain qui est capable d’écrire ça :

« Au milieu du tunnel, nos bras enfin pourront s’entrelacer, et même si là l’obscurité est si profonde que nous ne pourrons pas voir nos visages, je sais que nous avancerons sans crainte… […] »

… et ça :

« J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle c’est qu’il y a une vie (ou quelque chose qui y ressemble) après la mort. La mauvaise nouvelle est que Jean-Claude Villeneuve est nécrophile ».

La langue est parfois acide, souvent crue et piquante, le regard pointant le grotesque et dénichant l’absurde qui confine à la bêtise.

Mais une vague de poésie et de lumière enveloppe et entraîne avec elle tout sur son passage. Irradiant au passage les âmes, et la mienne en particulier. C’est le mystère des chants désespérés.

On ne le croirait pas, mais je suis né dans le quartier des Empalados. Le nom brille comme la lune. Le nom avec sa corne ouvre un chemin dans le sommeil et l’homme chemine sur ce sentier. Un sentier tremblant. Toujours cruel. Le sentier qui mène à l’Enfer, ou le sentier qui en sort. C’est à quoi tout se réduit. A s’approcher ou à s’éloigner de l’Enfer. 

La danse des lettres et des virgules, le souffle des mots agissent comme un pansement, plus que les mots eux-mêmes.

Et vous, quels sont les mots qui vous font vibrer?

Les putains meurtrières, Christian Bourgeois, 2003, 294 pages, 22€.

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